« Masculinité(s) et virilité : contextes métropolitains et situations coloniales au XIXe et au XXe siècle »
Workshop organisé par Edward Berenson (IFS)
et Christelle Taraud (NYU Paris)
Les interventions et les débats se feront en français et/ou en anglais. Le workshop sera suivi de la projection d’extraits de deux films : Stanley and Livingstone (1939) et Brazza ou l’épopée du Congo (1939) à la maison française.
Présentation générale
Dès la première moitié du XIXe siècle, dans toutes les métropoles coloniales, se développe l’idée de la colonisation comme « fabrique » d’hommes véritables et comme espace de régénération virile et nationale. Tous les théoriciens de la conquête s’accordent en effet sur le fait que l’expansion coloniale est devenue essentielle à l’Europe et que les Européens sont, du fait du darwinisme social qui se développe, engagés dans une « lutte pour la vie » d’où émergeront « naturellement » les peuples les plus forts. Dans l’exploration, la conquête militaire ou la « mise en valeur » des territoires, la colonisation permet l’endurcissement nécessaire d’hommes supposés « castrés » et/ou « éffeminés » en Europe même, et qu’il faut « régénérer » Outremer. Hiérarchies, espaces de sociabilités, rapports aux « indigènes », tout se construit sur une masculinité normalisée et hégémonique à laquelle on ne peut déroger sans perdre, avec sa qualité d’homme, un certain nombre de privilèges liés au statut de dominant. Par ailleurs, si la virilité des uns (les Européens) est affirmée avec tant de force, c’est d’abord parce qu’elle a été souvent mise à mal par les futurs colonisés qui ont continûment résisté à la pénétration européenne. Désarmés cependant sur le terrain militaire dès la fin du XIXe siècle et conquis presque partout dans la foulée, les colonisés sont alors aussi délégitimés en tant qu’hommes. Considérés, en termes de sexualité, soit comme des « sodomites » invétérés, soit comme des « prédateurs sexuels » incontrôlables, les colonisés apparaissent d’autant plus dangereux qu’ils sont susceptibles de « contaminer » les blancs au travers, par exemple, de figures de la proximité et de l’intime comme les jeunes « boys indigènes ». On le voit, la question de la virilité en contexte colonial est loin de pouvoir être considérée comme anecdotique. Des deux guerres mondiales aux conflits de décolonisation, les colonisés, non plus seulement « bons sauvages » ou « sauvages civilisés », entreprennent d’ailleurs une véritable mue qui les conduit à faire la reconquête de leur identité virile. Cette entreprise de revirilisation sera non seulement au cœur des indépendances mais constituera aussi l’un des points axiaux des nouveaux Etats fondés, comme le montrent les politiques menées envers les femmes dans nombre de ces pays dès le début des années 1960.
Partant d’une historiographie des masculinités et de la virilité renouvelée , depuis les travaux fondateurs de Robert A. Nye sur la France à l’époque moderne , ce workshop de l’IFS a pour objectif de mettre en lumière des travaux récents sur les questions évoquées plus haut, tant aux Etats-Unis qu’en France, en proposant une conversation transatlantique et comparatiste (entre l’histoire « strictement » française et l’histoire impériale de la France moderne et contemporaine) nourrie.
Programme
11H00-11H05 : Ouverture par Edward Berenson et Christelle Taraud
11H05-11H15 : Présentation des intervenants par Stéphane Gerson
11H15-11H45 : Venita Datta : Heroes and Legends of Fin-de-Siècle France: Gender, Politics, and National Identity
Venita Datta, a specialist of 19th and 20th century French history, is Professor of French at Wellesley College. She is the author of Birth of a National Icon: The Literary Avant-Garde and the Origins of the Intellectual in France (1999) and Heroes and Legends of Fin-de-Siècle France: Gender, Politics, and National Identity (2011). A co-editor of the H-France Forum and a member of the editorial board of French Historical Studies, she is currently at work on a book project, tentatively titled Figures of Modernity, which focuses on the relationship between France and the United States during the belle époque.
11H45-12H15: Edward Berenson, Heroes of Empire: Five Charismatic Men and the Conquest of Africa
Edward Berenson : is Professor of History and Director of NYU’s Institute of French Studies. He has mostly worked on nineteenth and twentieth century France, but his recent research is comparative and transnational. His books include Populist Religion and Left-Wing Politics in France; The Trial of Madame Caillaux; Heroes of Empire: Five Charismatic Men and the Conquest of Africa (French translation, Perrin, 2012); Constructing Charisma: Fame, Celebrity and Power in 19th-Century Europe, co-editor with Eva Giloi; The French Republic: History, Values, Debates (co-editor with Vincent Duclert and Christophe Prochasson); The Statue of Liberty. A Transatlantic Story (French translation, Armand Colin, 2012); Europe in the Modern World (forthcoming, Oxford University Press); and Savorgnan de Brazza ou Scandale du Congo (forthcoming, Armand Colin, Paris). Berenson received the American Historical Association's Eugene Asher Distinguished Teaching Award in 1999 and was named Chevalier dans l'Ordre du Mérite in 2006.
12H15-12H45 : Christelle Taraud, La virilité en situation coloniale, de la fin du XVIIIe siècle à la Grande Guerre
Christelle Taraud est Professeure à New York University en France, où elle dirige le projet « Genre et colonisation » et la revue internationale bilingue du même nom, et membre du Centre de recherches en histoire du XIXe siècle (Paris I/Paris IV). Elle travaille notamment sur les femmes, le genre et la sexualité en contexte colonial maghrébin. Elle est par ailleurs l’auteure de La prostitution coloniale. Algérie, Tunisie, Maroc, 1830-1962, Paris Payot, 2003 et 2009 (le livre a reçu, en 2004, le « Alf Andrew Heggoy Book Prize » de la Société d'histoire coloniale française/French Colonial Historical Society) ; de Mauresques. Femmes orientales dans la photographie coloniale (1860-1910), Paris, Albin Michel, 2003 ; de Femmes d’Afrique du Nord. Cartes postales (1885-1930), Paris, Editions Bleu Autour, 2006 et 2011 ; d’« Amour interdit ». Prostitution, marginalité et colonialisme. Maghreb 1830-1962, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2012 ; et de Sexe et colonies. Virilité, homosexualité et tourisme sexuel au Maghreb (1830-1962), Paris, Payot (à paraître en 2013).
12H45-13H30 : Discussion avec la salle et clôture du workshop par Stéphane Gerson