Sophie Bernard est professeure de sociologie à l’université Paris Dauphine-PSL et chercheure à l’Irisso. Elle est également membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Elle est l'auteure du Nouvel Esprit du salariat. Rémunérations, autonomie, inégalités (Puf, 2020).
Après l’immigré OS à vie et l’épicier maghrébin, le chauffeur Uber racisé est devenu une nouvelle figure du système d’emploi du capitalisme racial. Le déploiement des plateformes numériques s’accompagne en effet de formes exacerbées d’exploitation qui portent essentiellement sur des hommes racisés. L’enquête menée auprès d’une centaine de chauffeurs Uber à Paris, Londres et Montréal a été l’occasion de rencontrer cette figure emblématique de l’« ubérisation » pour décrire son quotidien de travail. Entrés dans le métier pour améliorer leur condition, ces travailleurs indépendants connaissent des conditions de travail et d’emploi dégradées. Caractérisées par la combinaison du management algorithmique et de formes d’emploi ultra-flexibles, les plateformes numériques reconfigurent l’emploi précaire et sont particulièrement adaptée à l’exploitation des travailleurs racisés. Elles tirent parti d’une main d’œuvre disponible qui, au moment même où elle croit échapper à la précarité, se voit à nouveau assignée à « un travail pour immigré ».